jeudi, octobre 13, 2005

La haine de la musique

“Quand la musique était rare, sa convocation était bouleversante comme sa séduction vertigineuse. Quand la convocation est incessante, la musique devient repoussante et c'est le silence qui vient héler et devient solennel.
Le silence est devenu le vertige moderne. De la même façon qu'il constitue un luxe excceptionnel dans les mégapoles.
Le premier qui l'ait ressenti est Webern — mort d'une détonation américaine.
La musique qui se sacrifie elle-même attire désormais le silence comme l'appeau l'oiseau.”

“La musique multipliée à l'infini comme la peinture reproduite dans les livres, les magazines, les cartes postales, les films, les CD-ROM, se sont arrachées de leur unicité. Ayant été arrachées à leur unicité, elles ont été arrachées à leur réalité. Ce faisant, elles se sont dépouillées de leur vérité. Leur multiplication les a ôtées à leur apparition. Les ôtant à leur apparition, elle les a ôtées à la fascination originaire, à la beauté.
Ces anciens arts sont devenus des scintillations éblouissantes de miroirs, un chuchotement d'échos sans source.
Des copies — et non des instruments magiques, des fétiches, des temples, des grottes, des îles.”

PASCAL QUIGNARD,
La haine de la musique,
Gallimard, 1997, Folio n°3008

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Tiens, la jolie pie qui jase en son nid ...
"Ne voyons-nous pas les plus grands rois d'Orient aller voilés et couverts, convaincus qu'ils diminuraient leur prestige en rendant leur présence publique et commune ? Ne voit-on pas les peintures qui représentent les divinités supérieures toujours recouvertes de voiles précieux? Et lorsqu'on les dévoilent, on commence par de grands fastes liturgiques, avec chants variés et différentes musiques; et lors du dévoilement, la grande foule du peuple se jette contre terre et l'adore et prie pour celui qui l'a fait peindre pour son retour à la santé ou son salut éternel, - tout comme si cette divinité avait été là, présente et vivante.
Et ceci n'arrive dans aucune autre discipline et pour aucune autre oeuvre humaine; et si tu dis que ce n'est pas le mérite du peintre mais la vertu propre de la chose représentée, on te répondra que si c'était ainsi, les gens pourraient contenter leurs esprits en restant dans leur lit sans aller en pélerinage en des lieux d'accès difficile et dangereux, comme cela se voit constament; et puisque ces pélerinages ne cessent pas, qu'est-ce qui les meut sans raison? Tu dois certes avouer que c'est cette image, et que tous les écris qui voudraient faire le portrait de cette divinité et la peindre virtuellement n'arriveraient pas à ce résultat ."
Léonard de Vinci
Traité de la peinture éd°Berger-Levrault

mercredi, octobre 19, 2005 11:42:00 PM  

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